Bonjour à tous ! Enfin, je reviens, après une trop longue absence ! Il pleut, les ateliers en ligne de l’Inventoire reprennent, donc je remets à plat mes objectifs d’écriture. Et comme mon texte est plutôt long (et légèrement satirique) aujourd’hui, je vais vite couper cette introduction. On se retrouve en commentaires et si vous n’avez toujours pas osé commander mon dernier recueil de nouvelles, il est accessible dans toutes les librairies maintenant, en format numérique et papier. Merci pour votre soutien et votre patience. Belle lecture à vous !
À Clavono, la capitale de Stromboli, les Fantasios ne croyaient plus au « fantastique » de leur gouvernement. Depuis plusieurs mois, les Fantasticos, les dirigeants de Stromboli, essuyaient rebuffades et autres bravades des estrades.
Pour Gédéon, le chef des Fantasticos, ce n’était que des bouffonnades, de la fanfaronnade d’un peuple toujours maussade. Bref, une plaie de la plèbe à panser, avec un peu de pommade. Grand Coquin, son fidèle conseiller de fort petite taille, lui, ne voyait pas de cet œil les dernières actualités. La cote de Gédéon était au plus bas malgré un certain sens de la tournure de leur chef, et les élections prochaines prenaient justement une mauvaise tournure. Pour Grand Coquin, l’heure était grave : il demanda à rassembler les différents conseillers de Gédéon.
— Chef, les élections se rapprochent, et l’état du pays est plutôt…
— Moche.
Figaro, conseiller financier et ancien journaliste économiste, venait d’entrer dans la pièce. Grand Coquin lui lança un regard courroucé, il fallait toujours que ce Figaro se fasse remarquer, lui et son sourire aux dents bien droites.
— Vous n’allez pas encore me sortir les derniers chiffres du FLOP quand même ? plaisanta Gédéon, installé au bout de la tablée.
— Eh bien, non, ils sont encore pire que les précédents, j’en ai bien peur, souffla Cléo, chargé des comptes et des mauvaises nouvelles.
— Comment est-ce possible Jiminy Cricket ?
L’intéressé, conseiller en communication et culture, sembla bondir de sa chaise en entendant prononcer son nom.
— C’est que… c’est que…
Tous les regards se tournèrent vers lui. Jiminy Cricket se sentit rougir jusqu’aux oreilles. Il chercha du soutien du côté de Crapule, conseiller des solidarités… qu’il ne trouva pas.
— C’est que… la stratégie de la Fée bleue ne semble plus suffisamment marcher.
— Qu’est-ce que tu me chantes là, Jiminy Cricket ? C’est une technique éprouvée depuis des décades ! Que dis-je des décennies !
— Hum, il semblerait qu’elle soit aujourd’hui contreproductive. La Fée bleue ne fait plus peur au peuple, au contraire, elle attire même la populace ! Les citoyens sont légèrement mécontents… Et, si on n’agit pas tout de suite… La Fée bleue pourrait être hum… fée licitée aux prochaines élections…
— Peuh ! La Fée bleue ! N’a-t-on jamais rien entendu de plus ridicule ? railla Gédéon.
À vrai dire, oui, mais les conseillers se gardèrent bien de le dire. Ils échangèrent un regard gêné, Gédéon n’avait visiblement pas prêté attention aux intentions de vote donnés par l’institut du FLOP qui lui en promettait un sacré… de flop.
— Alors quoi, vous avez tous perdu votre langue ?
— Gédéon, si je puis me permettre, avec les incidents de ces dernières semaines, même certains membres de notre rang en sortent, lâcha Grand Coquin devant le manque de bravoure de ses camarades.
— Quels incidents ? Ces quelques furieux qui vont dans la rue comme ils vont au marché, tous les samedis ?
— Disons que ces « sorties » régulières ne sont pas du bel effet, grinça Figaro, à travers ses dents bien droites.
— Ils seront fatigués avant l’heure ! Avant nous surtout ! Grand Coquin est sur le coup, n’est-ce pas ?
— Oui, bien évidemment, assura celui-ci, qui n’était plus sûr de lui. Mais les citoyens se détournent de nos méd… des médias. C’est assez problématique…
— Sans compter que les annonces des différentes hausses de prix ne sont pas du meilleur goût, si près de notre élect… de la prochaine élection… s’enhardit Cléo, qui ne se voyait pas retourner à son ancien bureau de conseiller bancaire.
— Ces Fantasios ne sont jamais contents ! Ils ont du gaz, de l’électricité, de l’eau et ils osent grogner dès que les prix flambent légèrement ! Qu’ils aillent donc chercher de l’eau au puits et qu’ils reviennent nous voir !
— La situation des jeunes reste préoccupante, et avec tous les vieux qui ont claps… succombé ces dernières semaines, il faudrait miser avant tout sur eux, ce sont quand même eux le futur… suggéra Jiminy Cricket.
— Voilà que notre petit Cricket se transforme en pourfendeur de la jeunesse ! Dans une minute, il nous sortira un laïus sur la protection de l’environnement !!! s’esclaffa Gédéon, amusé à l’idée d’imaginer Jiminy avec une pancarte militante au bras.
— Les Verts n’ont jamais été une menace. Ce sont les premiers à défendre la paix sur la Terre, et à se faire la guerre pour devenir le chef de Stromboli, coupa Figaro, pragmatique. Je crains que Jiminy Cricket ait raison. Aller sur les émissions de grande écoute, donner du « wesh » ne suffira pas. Et je ne voudrais pas être désagréable, Gédéon, mais votre teint est un peu palot sur YouYoube.
— C’est vrai que vous n’étiez pas mis en valeur lors de la dernière vidéo, glissa Crapule, qui se souvenait soudain de son intitulé de poste et qui ne souhaitait certainement pas le perdre.
— Alors, quoi, qu’est-ce que vous proposez à la fin, s’impatienta Gédéon, qui avait un déjeuner au Tracadera, et que la pensée d’une défaite aux présidentielles n’avait effleuré l’esprit jusqu’ici. Trouvez-moi des mesures, des solutions, c’est pour ça que vous êtes payés, yes or no ?
Les conseillers baissèrent la tête sur leurs chaussures vernies : lorsque Gédéon parlait en anglais, la colère n’était pas loin de poindre.
— On pourrait… on pourrait utiliser un… Pinocchio…
Les conseillers ricanèrent et se turent aussitôt. Cette proposition provenait de Gepetto, le porte-parole, que l’on entendait rarement en réunion.
— Un Pinocchio, répéta Figaro, dont la curiosité s’éveillait.
— Un Pinocchio. Un pantin. Qui se présenterait. Aux élections. Qui n’aurait pas de langue de bois. Qui dirait tout ce qui n’est pas politiquement correct. Qui réveillerait toutes les peurs qui sommeillent dans les cœurs des citoyens de Stromboli. Un Pinocchio effrayant, un épouvantail défrayant, qu’on verrait matin et soir sur les médias, à la radio, qui dégobillerait sa haine, qui déploierait ses ailes, qui débiterait dans les débats, qui débinerait tous les ébats…
— C’est grotesque ! s’écria Cléo, qui ne sentait pas cette histoire de Pinocchio.
— C’est génial ! s’exclama Figaro, dont l’ancien métier lui soufflait des dizaines de titres et de unes de journaux.
— Plus c’est gros, plus ça passe… sembla penser à voix haute Gédéon.
— Grot… grandiose, déclara grand Coquin en voyant que Gédéon finalement paraissait convaincu.
— Et même mieux… on pourrait jouer sur sa potentielle élection… continua dans un souffle Gédéon.
— Oui ! Jusqu’au bout, on ne saurait pas ! Se présentera-t-il ou pas ? Et tous ces mois, toutes ces semaines, ça buzzerait, ça blablaterait, ça brouhaharait autour de lui. Mais qui donc est ce pantin diabolique, ce Pinocchio surgi de sa boîte !!? Tout le monde lui cassera du bois dessus ! Ils ne parleront plus que de ça ! Il fera feu de tout bois ! Les médias vont s’embraser !!! s’égosilla Figaro, dont les métaphores bouillonnaient à présent dans son esprit journalistico-logique..
— Les Fantasios auront peur, ils oublieront nos erreurs… murmura Cléo qui comprenait enfin les contours du plan.
— Et les citoyens… n’auront plus d’autre choix… après ces mois d’angoisse face à cette menace en bois, que de voter pour nous ! éructa Figaro.
— Nous, les Fantasticos, qui les protègerons de ce pantin, termina Gédéon en relevant fièrement le buste.
— Gepetto, tu es un génie, souffla Figaro à travers ses dents bien droites.
C’est ainsi que la réunion d’urgence se termina, que Gédéon à son déjeuner gourmet assista et que Pinocchio sur la scène politique, s’avança.
Alors, qu’en pensez-vous de ma nouvelle version de Pinocchio ? Pour suivre les actus, cliquez là !
Image par jacqueline macou de Pixabay

Une version décontextualisée, avec pourtant des relents d’une actualité inquiétante d’un pays à l’aube de nouvelles élections présidentielles, dit celle qui craint que son île ne soit détachée de la Mère patrie le 12 décembre 🙂
J’ai adoré tes sonorités (les bouffonnades, de la fanfaronnade d’un peuple toujours maussade.) et le must « La plaie de cette plèbe ».
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Merci pour ton passage ici et tes mots ! Effectivement, j’ai choisi d’en
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Rire, même jaune, parce que cette atmosphère est légèrement pesante. On s’amuse comme on peut ! Belle soirée à toi ! Au plaisir de te lire. Sabrina.
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Assez flippant! En sommes-nous arrivé là?
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J’espère bien que non, mais cet abattage médiatique est aussi diabolique que ce Zinocchio…
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